20 décembre 2021
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Histoire de Gan : Pierre Emmanuel

La commune de Gan a donné naissance, a vu grandir ou s'épanouir un certains nombre de personnalités. Daniel Trallero nous raconte l'histoire de Pierre Emmanuel, né Noël Mathieu.

L’année 2016 a été marquée par le 100ème anniversaire de la naissance de Pierre Emmanuel, grand poète, essayiste et académicien né à Gan. Il a été commémoré à Pau par un cycle de trois conférences organisées par l’Académie de Béarn et par l’inauguration du nouveau Collège Innovant qui porte désormais son nom.

Pour parler de son œuvre immense, des milliers de pages ont déjà été écrites. Nous n’évoquerons ici que les premières années de sa vie, celles de sa présence à Gan, berceau de son enfance, celles de la naissance du poète.

Noël Mathieu est né à Gan le 3 mai 1916. Il fut baptisé par Jean Annat, curé de Gan.

« [Gan] à huit kilomètres de Pau, est un gros bourg entouré de collines. [...] Le paysage est d’un mouvement vaste et doux ; les arbres y sont majestueux comme en montagne. Il y a de hautes fougères, des prêles, beaucoup de sources et des serpents. Tout cela se retrouve dans mes livres. »

Son père Emile Mathieu est dauphinois, né à Corps dans l’Isère en 1880. Sa mère Maria Juge-Boulogne est béarnaise ; elle est née à Gan en 1884.

« Mon grand-père paternel était charpentier, mon grand-père maternel, maître-maçon. Moi, je bâtis des poèmes, qui ont des fondations, des murs et un toit. En Béarn, on aimait la belle pierre. Les maisons étaient faites pour durer. »

Bien avant la Grande Guerre, ses parents se rencontrèrent à Paris avant d’émigrer à New York comme simples employés. Sa mère revient seule en France en pleine guerre pour accoucher. Elle y restera peu de temps avant de rejoindre son époux, n’emportant avec elle qu’une photo de Noël âgé de 3 semaines. Noël sera élevé par sa grand-mère Catherine (née Barrailh) et par sa tante Catherine Ricaud, sœur aînée de sa mère. Trois ans plus tard, en 1919, sitôt la guerre finie, sa tante et sa grand-mère feront un bref voyage à New-York pour ramener l’enfant à ses parents. Le petit Noël y résidera de 3 ans à 6 ans. Il est placé chez une nourrice, fréquente une école maternelle et apprend l’anglais qui vient s’ajouter au béarnais qui fut sa langue maternelle.

A six ans, retour à Gan

En 1922, il revient en France, seul à la garde du capitaine du bateau. Il habite quelques mois à la Chapelle de Rousse, près du clos Larredya. Puis il habite « la rue de derrière les jardins », au 60 de l’actuelle rue Pierre de Marca, maison achetée par son père pour sa grand mère et sa tante lors d’une de ses venues en France.

Noël oublie l’anglais, s’initie à l’école communale au français « cette langue endimanchée ». Il réapprend le béarnais qui est « tout nerf et tout os » et en fait usage en dehors de l’école. Noël, s’enracine progressivement. Son vieil instituteur, Pierre Lartigau, qualifié de « maître excellent » et le curé de la paroisse, l’abbé Hitte, furent ses deux providences. A 8 ans, il est premier de la classe du certificat d’étude. Surprotégé par Mr Lartigau, qui a détecté de grandes qualités intellectuelles chez cet enfant, ce « hilh de nada » (ce fils de rien et de personne), comme on le surnomme au village, réussit l’entrée au Lycée de Pau à l’âge de 10 ans.

Mais, contre son gré, son père souhaite que Noël devienne ingénieur Il ira chez un oncle à Lyon et entrera chez les Frères Lazaristes. Après de brillantes études, il passera ses deux bacs, le second à 16 ans, mais il échoue volontairement au concours d’entrée de Polytechnique en mai 1934 après Math Sup et Math Spé.

Vacances puis convalescence à Gan

L’été venu, selon un rituel immuable, Noël Mathieu passe ses vacances à Gan. Il va à Pau visiter des libraires où il achètera un livre déterminant pour la suite de sa carrière : "Sueur de sang" de Pierre Jean Jouve. Il commence alors à écrire des poèmes, imitant d’abord ses maîtres : Paul Valéry, Paul Éluard et surtout Jouve, poèmes qu’il signe Noël Mathieu. En février 1936, on lui détecte un « voile au poumon », qui l’oblige à revenir se soigner à Gan où il restera un an et demi. C’est à cette époque qu’il rencontre le Docteur Baudot, le poète et écrivain Bertrand d’Astorg, le pasteur Jules Jézéquel et son fils Roger, écrivain connu sous le nom de Roger Breuil, les sœurs Marguerite et Louise de Courrèges du château de Bernat-Haur, Jean de Fabrègues, écrivain, qui était marié à la fille du propriétaire de l’Hermitage. Il rencontrera aussi plus tard Louis Bidau, futur maire de Gan. Autant de personnes qui eurent une grande influence sur sa maturité.

Sa deuxième naissance

Alors que ses parents reviennent habiter à Gan, sa mère ayant déjà plongé dans la démence, c’est sa deuxième naissance en février 1938 quand il publie son poème « Christ au tombeau », poème qu’il signe pour la première fois « Pierre Emmanuel ». Son père qu’il a peu connu si ce n’est par des échanges de vœux de nouvel an, décèdera peu après la Libération en août 1946. Son épouse lui survivra jusqu’en mai 1963. Elle vivra alors chez Mme Grévisse sur la route d’Oloron à la sortie de Gan, et durant toute cette période, Pierre Emmanuel lui rendra de fréquentes visites. Mais toute sa vie et cela transparait dans son œuvre, Pierre Emmanuel n’aura jamais vraiment connu ses parents et il le regrettera profondément.

Daniel Trallero - Gan Mémoire et Patrimoine - Juin 2017

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